Accompagnement et décarbonation : le combo gagnant

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Une stratégie de décarbonation doit être comprise, adoptée et mise en oeuvre. Et c’est là où l’accompagnement au changement entre en jeu.

Par Hélène Papillaud, associate experience collaborateur, et Hugo Deschamps, ethnologue et expert experience collaborateur (Onepoint)

 «La décarbonation de mon entreprise m’a tuer » 

Quand certains fustigeaient une « économie de la mort », d’autres disaient que ce n’était pas juste, qu’ils n’allaient pas « se faire avoir » par du greenwashing. D’autres encore avaient osé écrire : « La décarbonation de mon entreprise m’a tuer » sur le tableau mural de la cuisine. Mais que se passait-il dans cette entreprise ? La nouvelle campagne de communication axée sur la politique RSE venait d’y être lancée, avec un focus particulier sur la volonté de décarbonation des activités. Le constat était là : l’engagement des collaborateurs envers la démarche était « normal », c’est-à-dire qu’il était différencié et suivait une courbe… normale. Est-ce qu’il n’y avait pas là des manques en matière d’accompagnement du changement ? 

D’insuffisants premiers pas 

Effectivement, force est d’admettre qu’il y a encore beaucoup de manques sur ces considérations au sein des entreprises françaises. Mais prenons un peu de hauteur avec une mise en perspective sociétale. Actuellement, en France, l’engagement des citoyens est pour le moins inégal sur les sujets ayant trait à la transition écologique : si 70 % de la population se déclare inquiète, seuls 30 % agissent en conséquence1

1 Données de l’Observatoire international climat et opinions publiques, EDF et Ipsos, 2022 : https://www.edf.fr/sites/groupe/files/2023-04/obscop22_e-book_planete-mobilisee_complet_20230427_planches.pdf . Le constat est indéniable : la distance est encore de taille entre la conscience de l’urgence et sa traduction en actes. 

Cela dit, les politiques gouvernementales engagent et obligent davantage les entreprises à agir concrètement2

2 Citons notamment la loi de transition énergétique pour la croissance verte, qui impose aux entreprises d’inclure l’empreinte carbone de leurs activités dans leur rapport annuel de gestion, et le code de l’environnement, qui précise les modalités de l’obligation de bilan d’émissions de gaz à effet de serre pour les entreprises de plus de 500 salariés. . Les résultats d’une étude CSA pour LinkedIn et l’Ademe3 

3 Étude réalisée par l’Institut CSA en 2021, mandaté par l’Ademe et LinkedIn : https://csa.eu/news/les-salaries-et-la-transition-ecologique-dans-les-entreprises/ sont à cet égard pour le moins édifiants… 

L’environnement est la deuxième préoccupation principale des salariés, et même la première pour les jeunes salariés de moins de 35 ans. 

• 88 % des salariés estiment que la transition écologique est un sujet important dans leur entreprise, et 36 % pensent qu’il est prioritaire. 

Une entreprise qui se dote d’une stratégie de décarbonation fait déjà un judicieux premier pas, mais en réalité une faible partie du chemin. Pourquoi ? Pour une raison assez simple : une stratégie de décarbonation a de la valeur en soi, mais une part de cette valeur, comme dans toute stratégie, réside dans sa compréhension, son adoption et sa mise en oeuvre par les femmes et les hommes qu’elle concerne. C’est ce qu’on appelle la part people-dependent du retour sur investissement (RSI). C’est là où l’accompagnement au changement entre en jeu. Comment ? 

L’engagement du changement 

Il est d’abord indispensable pour chaque entreprise d’élaborer un état des lieux des représentations et des pratiques de ses collaborateurs au regard de sa stratégie de décarbonation et des implications de celle-ci dans les quotidiens futurs des activités professionnelles. 

Plusieurs méthodes d’écoute et d’analyse permettent de s’y livrer (entretiens, enquêtes, ateliers, immersions…), au croisement desquels un portrait objectif de la réalité des pratiques, des perceptions, des leviers d’engagement, des résistances potentielles et des impacts prévisionnels par population pourront notamment être établis. 

Fort de cet état des lieux, il importe de définir collectivement une cible comportementale et des éléments de mesure objectivants associés (KPI, ou indicateur clé de performance). Il y aura alors un point de départ (l’état des lieux) et un horizon fixant l’ambition (cible comportementale et KPI de mesure). Les écarts entre les deux seront alors objectivés et pourront dès lors être construits. Puis des plans d’accompagnement du changement – qui prendront notamment en compte les leviers d’engagement et les résistances potentielles identifiés dans la phase d’état des lieux – pourront être déployés. On peut classer ces plans selon deux types complémentaires et nécessaires pour optimiser l’ancrage des changements souhaités : 

les leviers soft, qui concernent la communication, la formation et le coaching ; 

• les leviers hard, qui transforment l’organisation, les processus et procédures, et les outils au sein de l’entreprise. On peut alors aussi parler de leviers « d’institutionnalisation ». 

Faire d’une menace une opportunité 

L’engagement écologique, à l’heure où il prend une part de plus en plus importante dans nos consciences de citoyens, est également attendu à l’échelle de l’entreprise, notamment comme vecteur contribuant à l’attraction, à la fidélisation et à l’engagement des collaborateurs. À titre d’exemple, à offre égale, 78 % des salariés préfèrent rejoindre une entreprise engagée dans la transition écologique4

 

4 Étude réalisée par l’Institut CSA en 2021, mandaté par l’Ademe et LinkedIn : https://csa.eu/news/les-salaries-et-la-transition-ecologique-dans-les-entreprises/ . 

« La décarbonation de mon entreprise m’a tuer » ? Disons plutôt qu’elle m’a sauvé(e), car une démarche d’accompagnement du changement y a été mise en oeuvre qui a permis d’atteindre les objectifs de transformation des représentations et des comportements des collaborateurs.