Comment remettre la gestion des talents au centre du jeu de la stratégie d’entreprise ?

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Dans un monde de l’entreprise en pleine mutation, la guerre des talents fait rage. Comment se fait-il que beaucoup d’entreprises en arrivent consciemment ou non à privilégier des recrutements externes souvent compliqués et inflationnistes  ou des licenciements, traumatisants,  coûteux en trésorerie et en marque employeur sur une gestion des compétences internes ?  Quel est le constat aujourd’hui dans les entreprises ?

Par Par , Loïc Mahé, ancien DRH , senior advisor Oneida Associés ; Michel Erard, ancien DRH, senior advisor Oneida Associés; Olivier Brevet, Directeur Oasys Mobilité ; Jacques de Tonguedec, associé en droit social, Fromont Briens ; Philippe Grabli, Managing Partner, Oneida Associés.

Le constat qui s’applique à tout type d’entreprise :

 

1/les compétences techniques sont de plus en plus rapidement obsolètes et la plupart des salariés en ont désormais conscience

2/le contenu et les conditions d’exercice des emplois au sein des entreprises ont  fortement évolué sur les dernières années avec la globalisation de l’économie, la digitalisation des fonctions, la systématisation des organisations matricielles, le télétravail et beaucoup de managers et collaborateurs ne s’y retrouvent plus

3/le recrutement de compétences est de plus en plus difficile : difficile d’attirer ( pool de talents souvent insuffisant)  , inflation de demandes d’augmentation de salaires,

4/la rétention de talents est un défi chaque jour plus grand : volonté de  rupture de nombreux salariés ( conditions de travail, autonomie ), du coup le simple maintien du niveau actuel  de compétences constitue en lui même  un défi

5/les salariés sont désormais beaucoup plus acteurs  dans les choix de formation , ce qui est en principe une bonne chose ( responsabilisation), mais crée de grosses différences entre eux, entre ceux qui savent et agissent et ceux qui subissent et ne se projettent pas  ( bcp de CPF pas utilisés)

 

 

Quelles sont les réactions habituelles des entreprises ?

 

Par définition, les réactions dépendent d’une entreprise à l’autre, mais les  tendances de fond sont les suivantes :

1/ souvent priorité est donné aux recrutements externes ( quitte à ne pas trouver de candidats et laisser des postes vacants longtemps  ou à baisser le niveau requis) sur les mobilités internes et les outils de formation à mettre en place, ceci couplé avec des référentiels de compétence mal tenus à jour,

2/priorité donné par le  management central  au financement d’un plan social , plutôt que d’anticiper et de s’impliquer humainement et financièrement  dans l’adaptation/ la reconversion des salariés,

3/de manière générale, ni le management, ni les représentants du personnel n’anticipent sur la construction de parcours professionnels, la GEPP faisant la plupart du temps la part belle à la cartographie des emplois actuels au détriment d’une analyse fine des besoins de demain ,

4/des outils de strategic workforce planning, basés sur l’Intelligence Artificielle  existent désormais : ils peuvent faire gagner du temps dans l’analyse des données et permettent de sortir des tendances, à défaut de constituer des outils très opérationnels, en particulier sur des situations précises, un petit nombre de salariés concernés ou des besoins  de transformation dans des délais très courts.

 

Quelles bonnes pratiques faut-il mettre en place ?

 

1/réintégrer les RH au cœur du dispositif avec :

-l’implication du management et des salariés pour identifier les évolutions des besoins à court et moyen terme , compte tenu de l’émergence de la technologie, des profils des équipes, et de la pyramide des ages des équipes,

-une approche concertée avec les représentants du personnel et des dispositifs efficaces de GEPP avec des mesures d’accompagnement dans lesquelles les entreprises investissent

2/ démontrer l’intérêt financier d’une telle approche auprès de la Direction Générale  et des actionnaires

-démontrer la faisabilité technique et l’intérêt financier en mettant en équation coûts de recrutements et coût des départs non souhaités

-faire sauter ou au moins atténuer les réticences des managers soucieux de conserver leurs ressources pour eux,

-maximiser l’accès aux aides publiques sur la formation (grosse méconnaissance de beaucoup de managers sur ces dispositifs), en articulant

dispositifs collectifs et l’individuels

3/donner plus d’importance aux soft skills qu’aujourdhui dans les critères de recrutement et d’évaluation, pour mieux répondre aux besoins des entreprises :

-d’adaptation permanente  : stratégie, changements d’organisation, travail à distance, nouveaux systèmes d’information

-de pilotage de projets complexes globaux ou en tout cas communs à plusieurs sites/Bus /pays

 

4/priorité doit être donnée au partage du défi collectif  que constitue l’acquisition de nouvelles compétences.

-cette priorité doit être affichée au plus haut niveau de l’entreprise-elle doit constituer un levier de motivation collective, un des éléments de la      raison d’être de l’entreprise ( loi Pact)   et un thème positif de négociation sociale

-un bon dialogue social et l’implication des représentants du personnel sont indispensables  pour atténuer les appréhensions de salariés

La réunion de toutes ces conditions est nécessaire pour faire sauter les verrous de la résistance au changement ; nous le voyons dans les entreprises que nous accompagnons.  En tout cas, les politiques « gadget » d’amélioration des conditions de travail ont fait leur temps.