Groupe Mul : cultiver la cohérence

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Entreprise familiale florissante située dans les Alpes-Maritimes, le groupe Mul est producteur et transformateur de matières premières végétales aromatiques. À sa tête depuis quinze ans, Cécile Mul nous dévoile comment la volonté d’assurer la continuité avec les choix du passé guide ses prises de décision.

Par Julien Morello

Représentant la cinquième génération de dirigeants du groupe familial, Cécile Mul porte un regard admiratif sur le travail de son père, Marius Mul, à la tête de la société jusqu’en 2007. Dans les années 1970, époque où les entreprises de transformation aromatique du bassin grassois se sont tournées vers les productions étrangères, de rose et de jasmin notamment, c’est lui qui a eu la « vision extraordinaire » d’apporter à son exploitation agricole une dimension industrielle, en devenant lui-même extracteur et distillateur. Il rachète la société Jean Gazignaire, spécialisée dans la distillation de la fleur d’oranger, lie un partenariat agricole durable avec la maison Chanel et accueille les matières premières d’autres exploitants, locaux ou étrangers, pour amortir son outil industriel.

« Cette décision nous a transformés, apportant d’autres compétences dans le groupe, mais ça nous a surtout permis de perpétuer et de préserver des savoir-faire agricoles qui, sans ça, auraient disparu ou auraient été mis fortement en péril », raconte Cécile Mul.

Ce tournant a conféré au groupe un profil unique dans le secteur des arômes et des parfums, une singularité qui est « une force », « un avantage concurrentiel », mais aussi la garante de son indépendance. Et depuis son arrivée à la tête du groupe, Cécile Mul n’a cessé de « conforter ce choix stratégique » et de « préserver une histoire, et la cohérence des décisions passées », tout en structurant son organisation autour d’une forte démarche RSE, primée en 2018 par la région Paca.

 

 

Miser sur l’expertise et l’adhésion des collaborateurs

La dirigeante partage ses responsabilités avec Melvin Errico, directeur général du groupe, qui « apporte un œil différent, parce qu’avec une vision moins impactée par l’affect familial ». Elle s’appuie aussi sur les compétences et les connaissances de ses équipes, agriculteurs, agronomes, équipes de production, de laboratoire, réglementaire, QHSE : « Ces experts-là accompagnent la prise de décision, la confortent ou la réfutent en fonction des sujets. ». Pour Cécile Mul, cette participation des collaborateurs est un préalable à « l’adhésion à la décision, pour qu’elle soit ensuite mise en application et que le projet fonctionne », puisque « le projet lui-même n’est réellement efficace que lorsqu’il est porté par l’ensemble de l’équipe ».

Et pour que les collaborateurs trouvent du sens à leurs missions, Cécile Mul se doit de prendre « des décisions qui sont en cohérence avec une ligne de conduite, qui nous ressemblent, qui sont fidèles à ce que l’on est ». Elle a ainsi voulu consolider ce qui a toujours été la principale force de l’entreprise, son expertise agricole, notamment pour la question fondamentale du sourcing des matières premières. Ce travail a surtout porté sur les « notes brunes » (vanille, café, cacao) achetées à des fournisseurs du monde entier, avec lesquels le groupe monte des partenariats « durables et sincères » et tisse « des liens très forts, fidèles ». Cette chance de « parler le même langage » est à la fois utile pour « s’affranchir des sociétés de trading » et obtenir des informations fiables. Elle permet au groupe de sécuriser ses filières d’approvisionnement et de garantir à ses clients la qualité et la traçabilité de ses extraits.

 

Une démarche RSE au cœur de la prise de décision

C’est dans cette recherche constante de la qualité des produits que la démarche RSE du groupe Mul, « partagée par l’ensemble des collaborateurs », prend tout son sens. Parce que « ce qui fait la qualité du produit transformé ce n’est pas uniquement son goût, son odeur, ses caractéristiques organoleptiques, mais aussi l’ensemble de la qualité qui va encadrer une filière, les conditions sociales, environnementales, économiques. » Ainsi, depuis 2011, l’entreprise a structuré son activité autour d’un important panel de certifications, appliquées sur ses terrains, dans ses ateliers et auprès de ses fournisseurs. Ces « boîtes à outils » ont permis de « formaliser » les actions du groupe, mais aussi de « fédérer les équipes », en « attente d’objectifs clairs, précis, avec des résultats et un calendrier ». Un choix payant « sur le développement commer­cial, mais aussi sur l’acquisition de compétences ».

Tout en assurant la continuité des valeurs portées par son père, notamment « la notion d’intérêt général collaboratif et local », illustrée par la récente replantation de bigaradiers et de lavande sauvage dans des communes de l’arrière-pays grassois, Cécile Mul a mis en place des solutions créatives, comme la branche Mul Environnement, destinée à valoriser les déchets et les coproduits de sa chaîne d’approvisionnement, ou un jardin d’expérimentation d’un hectare, véritable « laboratoire à ciel ouvert » à vocation d’apprentissage. « Le vrai challenge, c’est de conserver une tradition tout en apportant un côté innovant, et de se positionner en mettant le curseur au bon endroit pour ne pas se perdre, ni d’un côté ni de l’autre. » Avec, en fil rouge, « un devoir » : communiquer sur ses activités et son savoir-faire. « Si on veut qu’après moi il y ait une sixième, une septième génération, il faut que le métier soit connu, pour qu’il puisse être défendu et préservé pour les générations à venir. »