Ils veulent une entreprise qui leur ressemble

13 min de lecture

Les moins de 25 ans (génération Z) et les millennials sont prêts à refuser des emplois et des missions qui ne correspondent pas à leurs valeurs. Plus de la moitié des sondés ne sont « pas satisfaits du tout » de l’impact sociétal de leur entreprise – un chiffre encore plus élevé chez les membres de la génération Z. Pour rester attrayantes dans ce contexte de « grande démission », les sociétés doivent s’adapter.

Par Léa Masseguin

Le contexte

Selon une récente étude menée par la multinationale Microsoft, 43 % des 31 000 personnes interrogées dans 31 pays se disent susceptibles de changer d’emploi en 2022, soit deux points de plus que l’année précédente. Les salariés âgés de moins de 25 ans aspirent le plus à ces changements (52 %), contre 35 % de ceux de la génération X (nés entre 1965 et 1979), qui envisagent de quitter leur société. Une enquête du cabinet d’audits Deloitte pointe plusieurs causes : « Les membres de la génération Z et les millennials [personnes devenues adultes aux environs de l’an 2000 et qui représenteront plus de 75 % de la main-d’œuvre dans moins d’une décennie] sont profondément inquiets de l’état du monde et luttent pour concilier leur désir de changement avec les exigences et les contraintes de la vie quotidienne. Ils sont aux prises avec l’anxiété financière, tout en essayant d’investir dans des choix écologiquement durables. » Le rapport pointe l’insatisfaction au travail et indique que 4 individus de la génération Z sur 10 et près d’un quart des millennials souhaiteraient ainsi quitter leur emploi dans les deux ans ; et que près d’un tiers le feraient sans avoir trouvé de nouvel emploi. Près de 2 personnes sur 5 disent avoir rejeté une mission parce qu’elle ne correspondait pas à leurs valeurs.

 

Nicolas Durand, un ingénieur de 29 ans, a refusé plusieurs offres d’emploi malgré plusieurs mois passés au chômage : « J’ai quitté mon entreprise, un grand équipementier automobile français, après avoir été victime de surmenage professionnel. Malgré un salaire très élevé, j’avais besoin de retrouver une société qui me ressemble. Après de longues recherches, j’ai fini par intégrer une start-up qui fabrique des appareils audios destinés aux enfants. Je me sens beaucoup plus épanoui aujourd’hui. » L’étude note par ailleurs que la protection de l’environnement est une priorité absolue pour les jeunes générations.

 

Emma Grivet, 23 ans, en stage de fin d’études au sein du cabinet de conseil Mews Partners s’interroge à quelques mois de la fin de son cursus : « J’ai déjà plusieurs expériences professionnelles à mon actif, mais je peine à trouver une entreprise en adéquation avec mes convictions, en particulier dans ce contexte d’actualités angoissantes. J’ai l’impression que la plupart des sociétés font semblant de s’intéresser à ces questions pour améliorer leur image. »

La jeune étudiante, diplômée d’un master en management à l’université Paris-Dauphine poursuit : « Pour combiner mes valeurs au monde professionnel, je me dis parfois que je devrais me tourner vers l’associatif. Mais à quel point suis-je prête à être moins bien payée pour faire un métier qui a du sens ? C’est une question qui me taraude et à laquelle je dois trouver des réponses. Travailler dans une petite structure à taille humaine, à l’échelle locale, me correspondrait beaucoup plus qu’une multinationale. »

Beaucoup de jeunes diplômés, soucieux de leur impact, ont le sentiment d’être soumis un compte à rebours, notamment écologique, ce qui n’était pas le cas auparavant : « Je ne crois pas qu’une ascension salariale incroyable me rendrait heureuse. Ce qui m’épanouit, c’est de savoir que j’ai un impact autour de moi », souligne Emma.

 

Les jeunes salariés satisfaits de l’impact sociétal et environnemental de leur employeur et de leurs efforts pour créer un environnement diversifié et inclusif sont ainsi plus susceptibles de vouloir rester dans leur organisation pendant plus de cinq ans. « Autour de moi, mes proches se posent les mêmes questions. Dans ma promotion, peu d’étudiants sont intéressés par les grosses entreprises, connues pour être très énergivores. La plupart se tournent vers de petits cabinets de conseil. Nous ne sommes pas des ressources infinies. Nous devons modérer notre temps passé au bureau pour continuer à profiter de notre temps libre », conclut Emma.

 

 

L’ère des convictions

 

Pour Clément Jeanneau, directeur éditorial d’Axa Climate School[1], offre de formations spécifiques de l’assureur, la politique a clairement fait irruption dans le monde de l’entreprise : « On attend des marques qu’elles s’engagent dans la société. Auparavant, c’était le fait d’entreprises dites militantes. Aujourd’hui, si elles ne le font pas, elles sont à côté de la plaque. Les collaborateurs, candidats et partenaires attendent des entreprises qu’elles aient un engagement sociétal au-delà des considérations liées au business. »

 

D’autant plus que, désormais, les engagements personnels et les valeurs des collaborateurs occupent le champ professionnel : « Il y a quelques années, on aurait considéré que la santé mentale était un sujet personnel qui n’avait pas sa place dans l’entreprise. Aujourd’hui, à l’instar de l’inclusion ou de considérations féministes, les services RH sont attendus sur ces questions »

 

Clément Jeanneau évoque même le fait que les entreprises « n’ont pas le choix. Pour preuve, ajoute-t-il, le chargé des investissements responsables de HSBC a fait récemment une déclaration maladroite sur le climat… Il a dû partir ».

 

Le directeur éditorial de la Climate School d’Axa est formel : « La transition durable, c’est-à-dire les préoccupations et les actions autour du changement climatique, de l’effondrement de la biodiversité, de la raréfaction des ressources naturelles, est le nouveau choc de transformation pour les entreprises et les collaborateurs, à l’image de la transformation digitale des années 2000-2010. »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[1] Axa Climate Scool propose une offre de formation externe, destinée aux entreprises, sur les sujets du changement climatique.