« Overworking » has-been !

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 Le phénomène de Grande démission observée aux Etats-Unis et perceptible, par petites touches en France, met à mal ce que les spécialistes du monde du travail ont baptisé l’overworking. Le « travail excessif », est un terme désignant l’habitude prise par certains professionnels d’effectuer des semaines de soixante-dix, quatre-vingts, voire cent heures de travail. Et surtout de s’en glorifier.

Par Olivier Marbot

-Les départs volontaires ont augmenté de 17% pour les établissements de plus de 50 salariés, et de 21 % pour ceux de 10 et 49 salariés[1].

-Les diplômés de grandes écoles sont 46% à envisager une démission contre 37% des salariés possédant un CAP/BEP[2]

– 52% de ceux qui ont entre 3 et 5 ans d’ancienneté y songent contre 46% de ceux qui ont entre 6 et 10 d’ancienneté et 38% des salariés ayant moins de 2 ans d’ancienneté

 

Le fait de travailler toujours plus ou travailler trop est donc en cause.

Depuis une décennie environ, en particulier après la crise financière de 2008, l’idée selon laquelle les salariés les plus impliqués et les plus performants ne sont pas forcément ceux qui passent le plus d’heures à leur bureau s’est diffusée, se heurtant à de nombreuses résistances mais gagnant des partisans un peu partout, et à tous les niveaux de la hiérarchie.

 

Pour les partisans de l’overworking, il s’agit pourtant de bon sens. S’ils montent la garde à leur bureau du lever du jour à la tombée de nuit, sans rien réclamer et sans se plaindre, c’est à la fois parce que les nouvelles technologies le permettent et parce que c’est ce que leur hiérarchie attend d’eux. Plus prosaïques, certains ajoutent qu’une disponibilité de tous les instants rime avec meilleure rémunération, promotion plus rapide, mondialisation (l’économie ne dort jamais) et concurrence accrue (si je ne le fais pas, un autre le fera à ma place).

 

Du côté des sciences sociales, pourtant, toutes ces explications sont contestées. Les overworkers, expliquent nombre de psychologues, sont souvent mus par les motivations plus intimes : ambition, avidité, anxiété, culpabilité, fierté et, en résumé, désir de montrer à quel point ils sont indispensables.

 

La vraie raison de remettre en question le principe même de l’overworking est plus basique encore : selon un nombre croissant d’experts, il est tout simplement contre-productif. C’est ce qui ressort à la fois d’une étude sur le secteur bancaire publiée au milieu des années 2010 par une ancienne associée de Goldman Sachs, Alexandra Michel, d’autres encore menées par des professeurs de l’Université de Boston ou du Finnish Institute of Occupational Health : il n’y a pas de lien établi entre le nombre d’heures de travail et l’efficacité. Pas de lien vertueux en tout cas. Selon cette même étude, il s’avère que les managers sont incapables de distinguer une différence entre le travail fourni par les salariés qui disent faire des semaines de quatre-vingts heures et les autres.

 

Alors pourquoi certains continuent-ils à se vanter de leurs semaines de travail à rallonge ? Dans certains métiers où le travail est facturé à l’heure, on peut le comprendre, lit-on dans la Harvard Business Review. Tout comme on sait que, dans la plupart des cas, il est plus économique de payer un salarié pour cent heures de travail que deux pour cinquante heures chacun. Enfin, certains salariés restent convaincus qu’on attend d’eux qu’ils multiplient les heures et que s’ils ne le font pas ils en paieront le prix, d’une façon ou d’une autre. Des cas de plus en plus rares, cependant.

 

[1] Selon une étude de la Dares publiée en février 2022,

[2] Indeed – étude 2022